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La graphorrhée du monoblogue
2 octobre 2012

Le petit oiseau

Elle ressemblait à un petit oiseau tombé du nid. La première fois que je l’ai vue, tout du moins. Minuscule et maigrelette, des os fins, une peau blanche – presque transparente – des yeux bouffis et larmoyants, un nez gonflé, des lèvres sèches, et des cheveux mal coiffés. Toute perdue de se retrouver en service de psychiatrie, pleurant tout ce qu'elle pouvait d'avoir été arrachée à sa "famille". 

Quatorze printemps, un niveau CM1, il fallait utiliser des mots simples pour arriver à se faire comprendre.

Dans les premiers temps, c’était un regard en biais, ou par en dessous, elle était extrêmement méfiante sans pour autant savoir mettre en place des défenses. Elle s’est d’abord opposée tant qu’elle pouvait (environ deux jours) à la main qu'on lui tendait, puis s’est lovée comme un chaton dans le creux de cette dernière. Je crois qu’on avait tous – infirmiers, médecins, agents du social – l’impression d’occuper pleinement une place maternelle auprès d’elle.

Cela amena des révélations, toutes plus horrifiantes les unes que les autres : prostitution, viols, drogues, alcools, passages à tabac. Quatorze ans.

Puis, lorsqu’il fut question de protection, de séparation contrainte d’avec cette famille qui ne la protégeait en aucune manière, elle a tout envoyé balader. Le grand vide, l’explosion, déstructurée au maximum.

Elle a ainsi vite repris le costume et le masque qu'elle portait à l'extérieur : un fond de teint mat étalé en trois couches à la truelle, des cils surallongés sur ses yeux bleus désespérés - qui m’évoquaient alors Adjani dans L’été meurtrier - une bouche tartinée d’un rose pâle, dont les contours étaient trop marqués, au crayon brun. Un décolleté plongeant, un pantacourt slim bien serré, des talons de douze centimètres.
Le fait qu’on la trouve vulgaire n’éveillait en elle aucune indignation.
Quatorze ans.

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