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La graphorrhée du monoblogue
21 octobre 2012

Délégations

J'avais envie d'écrire un article autour de tout ce que je fais et que je ne devrais pas faire. Tout ce qu'on "délègue" à l'infirmier et qui ne figure absolument pas dans son décret de compétences - mais qui s'inscrit comme essentiel dans la prise en charge du patient. Autrement dit, si moi je ne le fais pas - même si ce n'est pas mon rôle - c'est le patient qui en pâtira, au final.

Pour prendre quelques succincts exemples, il y a le vendredi 20h où la médecin rappelle dans le service en me disant, désolée (et je la crois très sincère), qu'elle a un doute sur une prescription qu'elle a fait dans la journée, et me demande de regarder dans le dossier : effectivement, au lieu d'augmenter un traitement de 50% elle l'a augmenté de 100%. Elle me demande donc de faire modifier la prescription afin que le traitement soit correctement administré sur tout le week-end. Bien sûr, il y a un médecin de garde, sur tout l'hôpital, mais ce dernier ne pourra passer que tard dans la soirée, en raison des urgences qu'il traitera avant la question d'un bête traitement. Entre temps, il y a une prise à 22h. Il y a bien sûr très peu de chance qu'en prenant moins de traitement que prescrit, le patient ait un souci. Mais, malheureusement, au cours de mes différentes expériences, j'ai appris qu'il fallait envisager toutes les situations possibles. Et, imaginons que je sois vraiment parano, que je me couvre au maximum et lui donne la dose que je sais erronée à 22h, c'est déjà plus embêtant. Aussi, je ne tergiverse pas des heures même si je sais que certains de mes collègues, eux, le font.
(Pour info aux non-initiés, il est écrit dans notre décret de compétences infirmières que nous n'avons le droit d'administrer un traitement que s'il y a une prescription médicale écrite, datée et signée - les prescriptions par oral sont absolument illégales, et s'il y a un souci par la suite, c'est pour notre pomme)

Un deuxième exemple qui concerne aussi la relation de confiance et le travail d'équipe (et ses limites) : il y a deux semaines, le médecin chef qui appelle un dimanche soir - c'est encore moi qui répond - en me demandant que l'équipe du lendemain matin (encore moi - vive les bascules) appelle un médecin extérieur à la structure afin de confirmer l'admission d'un patient dans la journée. Et ce sous prétexte qu'il faut appeler le médecin tôt, dès 8h, afin que tout soit bien programmé. Déjà, ça me gêne un peu, car le médecin chef n'a jamais parlé à l'équipe de cette admission (je questionne mes collègues) - par manque de temps j'imagine - et que, même si je note le nom de la personne pour m'en rappeler, il me parait complètement déplacé de converser avec le médecin qui s'en occupe en externe sans avoir aucune donnée préalable. Ensuite (même si c'est souvent fait, je le sais), ce n'est pas mon rôle, et j'ai connu bien des quiproquo et malentendus surgir de cette multiplication des interlocuteurs autour d'une seule situation. Pour reprendre mon exemple, j'ai appelé moi-même ce-dit médecin toute la matinée du lundi, qui n'a finalement répondu que vers 11h30 (heure à laquelle le médecin chef était largement arrivé dans le service), en me disant que cette admission n'était pas gérée par elle mais par d'autres acteurs sociaux de la prise en charge du patient. J'ai du perdre à peu près 1h, en tout, 1h d'entretiens et de soins divers aux patients déjà hospitalisés, juste pour entendre ça.

En troisième exemple et parce que c'est vraiment une plaie, il faut savoir qu'il y a des équipes - comme la mienne - où la cadre de santé refuse tout simplement de faire les plannings. Imprimer le roulement de base (qui ne correspond plus depuis longtemps aux besoins du service), oui, mais ensuite, quand des modifications s'imposent, elle nous prie de "(nous) arranger entre (nous)". Ou comment monter les gens les uns contre les autres, à force de changements plus ou moins nécessaires, plus ou moins imposés, sur des collègues par d'autres. En politique, on appelle ça l'anarchie. A l'hôpital, c'est juste du management.

Donc, pour reprendre mes premiers mots, j'avais envie d'écrire un article sur tout ce que je ne devrais pas faire. Parce que c'est pesant, au quotidien, de tenir des rôles qui ne sont pas les nôtres et qui morcellent notre pratique - qui devrait s'exercer essentiellement auprès des patients. (Et encore, je n'ai pas évoqué notre charge purement administrative qui ne cesse de croître, de manière indécente, et nous empêche littéralement d'occuper notre rôle premier, qui est plutôt - vous l'avez en tête, je suis sûre - de s'occuper d'humains que de papiers)

Et puis, en développant l'idée, je me suis dit que c'était vraiment redondant à écrire ici, à part ces exemples, dont il m'importe en premier lieu de garder trace, et qui m'en rappellent tant d'autres.

Il ne me sert à rien de déverser une hargne quelque part sans but a priori - à part me défouler, ce que je peux bien faire ailleurs.
Alors pourquoi ce blog ?
Pour garder trace, et partager publiquement ce que, peut-être, d'autres vivent de manière plus ou moins intense, avec plus ou moins de similitudes.
Si l'on part du principe que l'hôpital est maintenant géré comme une entreprise, dans les grandes lignes, mon quotidien se rapproche certainement du votre (?)

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