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La graphorrhée du monoblogue
14 mai 2013

Infirmière polymorphe

Passer d'un service de psychiatrie "ouvert" à un service fermé dit "de crise" doit être une expérience effroyable. Aussi je préfère l'avoir faite dans l'autre sens, même si je m'ennuie à mort un peu. Ce qui me retient de me mettre en mode "veille", c'est l'observation des collègues, leurs personnalités, leurs réactions, les malentendus, les analyses de situation lorsqu'il y en a (et qui sont la plupart du temps très projectives)...

Même si le "soin" dans cette unité se résume peu ou prou à l'administration de médicaments et à quelques entretiens informels sans réel objectif (car pas d'analyse en amont de la part de l'équipe et pas de volonté médicale d'inclure les infirmiers dans la thérapeutique - nous sommes clairement mis et maintenus à la place d'exécutants, malgré une certaine marge de manoeuvre, mais qui en comparaison de ce que j'ai pu connaître, me fait l'effet de quelques miettes laissées sur le bord d'une assiette qu'on vous donne à laver). Ce qui est profondément frustrant.

En même temps je me dis que je ne perds pas trop la main, étant donné qu'après une semaine de vacances pour moi et trois semaines d'hospitalisation pour un patient au sujet duquel j'avais dit dès les trois premiers jours qu'il me semblait inquiétant, adhésif en relation duelle et très psychotique - le tout sous couvert d'une douleur somatique qui n'avait aucune étiologie - j'ai ENFIN entendu en staff, du médecin chef, répéter quasiment les mêmes mots que moi trois semaines auparavant. Ouf, on est sur la même longueur d'ondes, ils ont juste une temporalité légèrement différente de la mienne, se donnant peut-être un temps d'observation plus long que ce que je connaissais jusque là.

Ce qui est juste désolant, c'est que nous, infirmiers, perçus et mis à une place d'exécutants, n'avons pas les moyens d'être tous d'accord sur ce qu'on met en place auprès des patients (si on est tenté de mettre en place quelque chose). Certains cherchent à entreprendre des entretiens (cela leur retombe souvent sur le coin du nez étant donné qu'ils en décident seuls et s'en dépatouillent bien mal lorsque les situations qu'ils découvrent dont plus compliquées que prévues), mais cette thérapeutique n'est pas suivie et maintenue par d'autres équipes, le patient se retrouve donc face à des infirmers qui leurs disent un jour marguerite et le lendemain chèvrefeuille : il y en a que ça lasse, d'autres que ça déstabilise, d'autres que ça arrange largement. Au final, on ne sait pas bien ce qui est bénéfique, ce qui est néfaste, d'ailleurs personne ne cherche à le savoir, les choses flottent, au dessus, des paroles lancées qui ne retombent pas, ou seulement quelques semaines plus tard, des transmissions qui se répètent à l'identique, et une cruelle impression d'inertie, qui ne doit d'ailleurs pas être qu'une impression.

Mais il est vrai que j'ai été habituée à de la crise, où malgré une observation constante, nous étions obligés d'analyser vite pour prévenir les passages à l'acte, désamorcer les moments de tension, en repérer les causes, et faire des liens avec les éléments d'histoire de vie que nous avions pour essayer d'analyser le tout, et surtout de faire que le patient arrive lui-même à saisir ce qui le rendait si mal.
Il est également vrai que ce type de soin me manque plus que cruellement, mais que, pour plusieurs raisons, je ne peux pas faire marche arrière. Je me dis tout de même que j'y retournerai.

Pour l'instant, c'est comme si j'étais en vacances. Des vacances un peu ennuyeuses, mais des vacances quand même.

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