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La graphorrhée du monoblogue
19 juin 2013

De l'inertie institutionelle

Ce qui me sortira de l'institution - je veux dire, de ces grandes institutions qui se targuent d'être gérées comme des entreprises - est sûrement cette lourdeur qui stoppe net les élans les plus enthousiastes, les projets les mieux montés. Cette incroyable force d'inertie qui anesthésie les pensées et laisse stagner les meilleures idées dans un arrière-plan au soin, qui, du coup, en prend un bon coup dans l'aile.

Cette grande machine agit comme un rouleau-compresseur : rien ne subsiste et n'émerge après son passage. La douleur est forte et la souffrance des soignants accrue, car nous, infirmiers, aides-soignants & cie, sommes confrontés au réel du quotidien des patients, tous les jours, toutes les nuits, tous les week-ends et toutes les vacances scolaires.

Lorsqu'on fait remonter un problème, quel qu'il soit (locaux insuffisamment sécurisés ayant permis à un patient connu pour des idées suicidaires de casser un miroir pour se faire du mal, circulation de stupéfiants incessante, ou tout simplement un volet de chambre qui ne s'ouvre plus et qui par 35°C transforme la chambre en un sauna malodorant et moisissant - pour vous donner quelques exemples basiques et malheureusement fréquents), on se heurte inlassablement à "la procédure" interminable et pointilleuse (ce qui n'est pas un mal dans le souci du détail). Cette procédure ne donnera jamais suite avant une ou deux année(s), à part si quarante agents font remonter un même problème, potentiellement dangereux pour la santé des personnes, dans le mois. Le cas échéant, une étude sera réalisée sur le problème, et la réponse prendra quelque mois à émerger, le temps que tout le monde donne son avis et se mette d'accord. Pour ensuite mettre cette réponse en actes, entre les devis s'il y a des travaux à faire et l'étendue de ces derniers, il faudra encore patienter, parfois plus d'un an (je rappelle qu'on parle ici d'un problème considéré comme urgent).

Je n'ai rien contre les gestionnaires quels qu'ils soient, à la base je veux dire, mais ce temps pourtant encore court que j'ai passé à travailler avec eux (mais tellement loin d'eux !) m'a définitivement fâchée. Ce décalage entre les papiers, les protocoles et procédures règlementaires qu'il faut respecter à la virgule près - et, de l'autre côté du mur, ces patients qui souffrent, vulnérables, et ces soignants, impuissants.

La chappe de plomb est telle que la majorité des soignants renoncent un jour à se battre. Je n'en suis pas pour l'instant, mais au prix de rester sur le fil du rasoir, en souffrance aiguë, gesticulant pour brasser de l'air, sans pouvoir me résigner à baisser les bras.

Pourtant, le découragement semble contagieux. Sur une question de circulation de drogues au sein du service où je travaille, j'ai proposé de monter un classeur regroupant les faits, tous les faits, quotidiens, tracés. La réponse de mes collègues ? "A moins de vouloir faire une étude statistique, ça ne servira à rien, ton truc. Mais fais le si tu veux." Double coup de semonce : l'impuissance et l'indifférence couplées. "Bientôt tu penseras pareil."

Est-il temps que je me taille ?

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M
martinmirador.blogspot.com
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