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La graphorrhée du monoblogue
12 avril 2014

Un soir d'avril

Les premiers soleils. Bien plus doux, plus enivrants que ceux de l'étouffant mois d'août. De ceux qui vous donnent des insolations, vous rendant ivre et atrocement délirants, brûlants de fièvre et heureux de vivre.

C'est un de ces soirs de premières lumières que j'ai rencontré Mathilde. Grande, nonchalante, un T-shirt large avec un grand dessin multicolore camouflant en partie le legging serré autour de ses jambes. Plutôt que de profiter de ses seize ans, à l'aube du printemps, insouciante et torturée comme toutes les adolescentes devraient être, Mathilde est venue me trouver.

Son visage eclairé par les rais de clarté sillonnant la pièce, Mathilde a pleuré. Longtemps. Elle ne voulut pas me dire les causes de son chagrin. Elle me montra simplement ses larmes, usant une bonne vingtaine de mouchoirs. Ses yeux semblaient ne jamais vouloir se tarir.

J'attendais, patiemment, sur mon fauteuil. Je lui tendais les mouchoirs un par un. J'observais ses mains trembler, son cou se crisper, son nez couler. Faute d'obtenir des réponses, je me laissais porter, dans les rais de belle lumière qui zébraient mes avant bras. Fascinée par cette tristesse qui n'en finissait pas de couler, de baver, de crachoter, de se répandre dans l'espace comme un fleuve en crue. Je commençais à baisser mon attention focale pour m'élever sur l'atmosphère globale de cette fin d'après midi en compagnie d'une pleureuse de haut niveau. Et tout cela - les larmes, les reniflements, la belle lumière, les spasmes, les sanglots, les tremblements, la douceur - tout cela vint m'imprégner. Je m'en allais bien au-delà du présent.

Puis Mathilde me ramena sur terre. Premiers mots. Brisant ma fabuleuse osmose avec sa tristesse incompréhensible et  incommensurable. Des petits mots, minuscules banalités assassines. Des évidences.

"J'ai des problèmes"

Bien sûr, les mots suivants furent riches, comme chaque discours rattaché à l'être qui le prononce. Bien sûr, je me penchais avec elle au dessus du gouffre qui l'attirait. Bien sûr, nous entamâmes ensemble un bout de chemin qu'on pourrait qualifier de thérapeutique. Et évidemment, je m'en voulus beaucoup de cette fascination innoportune, inhumaine et désubjectivante, si vous voulez bien me passer le néologisme.

Mais quand même. Ces minutes en suspens entre un monde et l'autre. Cette sensation d'éternité, de compréhension totale et d'universalité... Vraiment délirant.

 

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