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La graphorrhée du monoblogue
1 janvier 2018

Le père de Clémence et Thibault

C'est un curieux personnage, de stature confortable, avec une poignée de main à vous broyer les métacarpes - ce faisant, il vous sourit en plantant ses yeux bleus très clairs dans les vôtres. A bien y penser, ce sourire pourrait ressembler une grimace de douleur.

Quand il pénètre dans la pièce d'entretien, il fait mine de chercher ses repères : il regarde un peu partout, choisit un fauteuil, se plante devant, enlève tranquillement son manteau. Il pose son sac d'un côté, puis le déplace de l'autre. Il se retourne pour réajuster son manteau sur le dossier, puis ôte ses lunettes, souffle sur les verres et les nettoie avec un petit chiffon qu'il a sorti de nulle part.

Son curieux manège ne s'arrête que quand vous l'interpellez - il semble alors soudainement prendre conscience de votre présence dans la pièce, en levant un regard surpris, qui ne duperait personne.

C'est alors qu'il commence, sans vous donner le temps de dire "ouf", à débiter sa longue litanie sur son ex-femme terrible, terrifiante et méprisable à la fois ; sur sa dépression à lui, qui a duré quarante-cinq ans (il en a quarante-huit) et dont il sort à peine - renaissance ! Cette logorrhée verbeuse tolère mal d'être coupée par mes questions "incongrues" telles que "comment vont vos enfants ?" - il y répond du tac au tac : "mais vous voulez qu'ils aillent comment, avec ce monstre qui leur tient lieu de mère ?!" Il adopte alors cet air mi-outré, mi-surpris que je n'aie toujours pas compris, malgré son réquisitoire détaillé contre le-dit monstre. 

Cependant, si le père de Clémence (12 ans) et de Thibault (14 ans) peut dire que ses enfants ne vont pas bien, il ne parvient à trouver aucun exemple qui lui fasse dire cela. A dire vrai, creuser en ce sens, dans l'entretien, nous met tous les deux face à un vide effroyable, celui de son ego-centrisme, dans l'incapacité de trouver ne serait-ce qu'une anecdote ou un fait qui puisse appuyer ses affirmations.

Et, pourtant, ses enfants souffrent. Clémence ne parvient pas à exprimer ce qui lui arrive en entretien, mais elle pleure beaucoup. Thibault, quand à lui, confie avoir peur de sa mère, et ne pas vouloir inquiéter son père.

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Sans conclusion a priori, il est cependant des configurations familiales bien étranges. Comment en arrive-t-on à aimer quelqu'un au point de coucher avec lui, de mettre au monde des enfants dans l'optique de les élever ensemble... Pour finalement se déchirer comme deux moires se disputant leur unique oeil ?

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