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La graphorrhée du monoblogue
12 octobre 2012

Burn-out

Je n'ai même pas deux ans de diplôme, et déjà j'y pense. Je n'en présente pas les symptômes francs, mais je sens que si je ne stoppe pas maintenant, l'effondrement est proche.

Mais ce n'est pas tout à fait de moi qu'il s'agit.
Je m'explique.

Si je vais travailler, de matin, d'après-midi, ou de nuit, c'est pour les patients. Eux, je suis là pour eux, et j'ai envie de leur offrir l'opportunité d'un étayage/d'une présence bienveillante/de quelque chose contre quoi se cogner/d'une limite solide/d'une oreille capable d'écouter et d'une bouche capable de répondre.

L'autour, le cadre, l'institution (personnes et murs), rien de tient. En commençant par le "tout-en-haut" : que ce soit la gestion des budgets, des ressources humaines et matérielles, des prises de position et des projets en cours, rien n'est réfléchi en accord avec le terrain. Des décisions sont prises sans que les personnes y participant ne soient vraiment en contact avec la réalité. Ou alors, ma foi, elles ont une bien étrange vision du soin.

Vu de ma fenêtre, cela donne des paradoxes du style : construire un parking avec de la pelouse à 70000 euros (rien que la pelouse, et non, je n'ai pas mis de zéro en plus) et, à côté de ça : avoir dans son service des sommiers méchamment déformés, des matelas usés, pas de linge à prêter aux patients en cas d'urgence, et, pire, des installations parfois complètement vétustes pour exercer les soins.

C'est aussi voir des infirmiers débarquer (les pauvres), souvent jeunes diplômés, dans une équipe en sous-effectifs qui ne peut pas prendre le temps de les former, avec une cadre dont on ne connait quasiment que l'absence, et qui, lorsqu'elle est là, assiste aux transmissions en éclatant des bulles multicolores sur son smartphone. C'est avoir des plannings complètement hors légalité, sous les yeux avisés du cadre, du cadre supérieur et du DRH, et sans qu'aucun mouvement de groupe ne se crée pour dire stop.

Il y a quelques mois, on a entendu le grand médecin manitou (qu'on ne voit jamais dans le service) dire que la présence d'un psychologue n'est pas nécessaire en unité de crise. L'équipe s'est quand même soulevée contre cette menace de suppression de poste (un mi-temps, à la base, qui ne permet même pas au psychologue en question de faire un boulot satisfaisant - selon ses propres dires), et le grand chef a répondu que, ok, on conserverait un mi-temps, mais avec deux personnes différentes - soit deux quart-temps... Avec les temps de réunions en commun d'ailleurs, et de toute manière, vu leur nombre d'heures, ces deux psychologues ne seront présents que sur ces temps là, donc complètement inutiles au service : WTF ?!

Car la logique de l'hôpital, c'est aussi que les personnes sont interchangeables.

Entendez également que vous n'êtes affecté à une unité que pour trois ans - au-delà de ça, il vous faudra batailler pour prouver votre motivation et votre utilité au sein du service pour pouvoir y rester. 

Pour compléter tout ce beau bazar, il y a le court terme : voilà un des pires fléaus qui amène à des dépenses énormes et des résultats désastreux. Par exemple, le parking dont je vous parlais plus haut (70000 euros de pelouse, pour rappel) n'aura eu que deux ans d'existence à son actif : il a été en grande partie détruit afin de laisser place à une large entrée.
Par contre, pour intégrer à un service de crise comme celui ou j'exerce une chambre d'apaisement (le genre matelassée où il est impossible de se faire mal) - histoire de diminuer le nombre de contention dans les cas de patients agités/plus ou moins délirants et de leur permettre de pouvoir se défouler sans pour autant se mettre en danger ni risquer de porter atteinte aux autres - on vous répond à coup de réunions diverses et variées, autour de l'analyse de votre pratique et du budget nécessaire pour l'aménagement souhaité, et au final, deux ans se passent (avec leur nombre de contentions qui auraient pu être évitées) et on attend toujours.

Et puis, cherry on the cake, on vous propose des formations et des "journées de rencontres" autour du bien-être au travail, à cent euros la journée. Mais bien sûr, voilà la solution à la déprime qui se pointe quand je vois comment l'hôpital est géré. Bonne idée.

Il m'apparait que les structures fonctionnent à l'image de la personnalité de ceux qui les dirigent. Malheureusement, il semble que pour accéder à des postes haut-placés, il faille avoir un mental d'acier et de sérieuses défenses obsessionnelles, ainsi que - dans la plupart des cas - une légère teinte paranoïaque.

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