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La graphorrhée du monoblogue
15 août 2013

Accueil et bienveillance

On a tous vu un(e) collègue débarquer en service, sans comprendre pourquoi il / elle était là exactement.

Il y a un an, j'ai connu (dans une unité où j'étais en exercice depuis une vingtaine de mois) une infirmière recrutée du jour au lendemain, qui avait embauché un beau matin sans avoir même été introduite auprès de l'équipe au préalable. Ce matin là, nous l'avons vue passer la porte du service, l'air un peu paumé, et sourire en nous apercevant. Elle s'était avancée vers nous, petite et rondelette, la démarche un peu claudiquante, et s'était présentée "Bonjour, je suis Béatrice, c'est mon premier jour ici". Enchantée Béatrice, tu es sûre que tu es dans le bon service ? Car tu n'apparais pas sur le planning et personne ne nous a parlé de toi...

Ce genre de début inaugure plutôt mal la suite, il faut déjà trouver ses marques pour ensuite être à l'aise dans le travail. En l'occurence, Béatrice avait eu beaucoup de mal à intégrer les règles de l'unité, et posait quotidiennement les mêmes questions, ce qui nous avait sérieusement mis la puce à l'oreille. Puis elle avait des problèmes de dos, du mal à approcher les patients, et aucune organisation ou logique de soins. Lorsque nous essayions de mettre en place un soin avec elle, cela n'était pas possible : elle ne comprenait pas, ou comprenait mal, et nous finissions par jeter l'éponge et fonctionner comme si elle n'était pas présente.
Ajoutons à cela que nos supérieurs fuyaient Béatrice et tous les propos qui pouvaient s'y rapporter. Les interactions en équipe sont vite devenues compliquées, et dans quelques moments, excédés, plusieurs soignants avaient malmené Béatrice. Mais c'était comme si cela ne la touchait pas : elle continuait à poser les mêmes questions, à fuir les situations d'échange avec les patients - quitte à parfois se "planquer" dans l'office. Et elle continuait de sourire.

Nous avions tout pour la détester, et en plus, nous avions fini par la considérer comme une débile profonde (cruauté absolue mais bien justifiée lorsqu'elle nous laissait seuls face au chaos) étant donné qu'elle ne percutait même pas quand on lui disait bien en face et très abruptement que son attitude était inadaptée : elle ne changeait pas d'un iota.

Il m'est arrivé de la recroiser, une fois...
Et j'ai vu les choses un peu différemment, parce que je me suis retrouvée, il y a peu, dans une situation à peu près similaire : débarquer dans un service du jour au lendemain, suite à une mutation que l'on m'avait annoncée par téléphone, dans un moment de vie où la stabilité au travail m'était précieuse et salvatrice. Rien ne laissait présager cette affectation soudaine, sauf qu'on avait besoin de quelqu'un là-bas, et que moi j'étais dernière arrivée ici. Du fait de contraintes personnelles importantes à ce moment là, j'avais un planning "aménagé" (et déjà beaucoup de culpabilité à l'imposer à une équipe qui me connaissait bien et qui l'acceptait). 
Mon arrivée soudaine dans l'équipe et les changements de planning nécessaires furent assez mal perçus par l'équipe de l'unité dans laquelle j'arrivais juste. Il y a eu des questions incessantes, de tout le monde, à chaque fois en tête à tête. Chacun voulant sûrement mener sa petite enquête, recueillir ses infos et pouvoir alimenter les "rumeurs" au sujet de l'arrivée soudaine de cette infirmière qui n'assurait même pas un roulement normal en trois huit.
Après une semaine à prendre mes marques et être inévitablement le boulet à leur pied, j'effectuais le travail sans problème en me centrant sur les patients. Mais les murmures, les rumeurs et une certaine méfiance restaient bien présents.
Tout cela conditionna mon positionnement dans l'équipe : avec cette désagréable impression d'être toujours "en dehors", et, à la longue, bêtement vouloir le rester par méfiance et par fierté.

Béatrice, même si tu n'es sûrement pas faite pour être infirmière en psychiatrie, je t'aime bien. Travailler avec toi m'horrifiais, mais aujourd'hui tu m'attendris. Surtout que maintenant, je te comprends mieux.

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Commentaires
M
Il y a toujours un "con" (sur le versant gentil idiot ou méchant pervers) dans une équipe, quelle qu'elle soit. Il est intéressant de se retrouver à cette place - temporairement, comme je l'ai été - car cela permet de comprendre de l'intérieur ce qu'on peut ressentir en étant mis ainsi de côté - ou au centre des moqueries. J'en ai compris qu'avec mon caractère, j'avais simplement envie de "creuser" cette place "à-côté" et de ne plus du tout vouloir m'intégrer à l'équipe, quand bien même cette dernière serait prête à m'accepter. Mais mon statut fut tout de même particulier car j'y étais vraiment "de passage", pour quelque mois, et tout le monde le savait... Donc personne n'était vraiment "en danger".
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Â
"Cons", on l'est tous pour quelqu'un, ou plusieurs, de temps en temps, ou durablement. Il y a tellement de défauts que les "autres" s'empressent de voir à notre place. Cette étiquette, et celle de fou, la plus petite différence les détermine.
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M
Je ne suis pas sûre qu'elle se reconnaitrait, d'autant que j'ai changé le prénom. Mais si c'était le cas, je serais curieuse de voir sa réaction...<br /> <br /> J'ai toujours à l'esprit que les gens ne sont pas "cons" par plaisir de l'être, que ce n'est qu'une perception extérieure de leur attitude - sûrement guidée par des raisons qui nous échappent dans un premier temps... Ou quelque chose du genre, quoi.
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B
J'espère que la vraie Béatrice tombera sur ce billet, et se reconnaîtra, car ça n'a pas dû être facile, ni pour elle ni pour l'équipe. En tout cas, j'admire ta prise de conscience, et ta capacité à l'écrire, ce n'est pas donné à tout le monde je crois!
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